Distraction nocturne
Comme chacun d'entre nous, un jour, le désespoir me prit de rester soir après soir, dans
l'ombre de mon divan. J'avais, bien entendu, utilisé toutes les distractions possibles.
Le cinéma n'avait plus de mystère, les concerts me comptaient pour fidèle, et malgré tout
cela, la porte refermée, j'entamais pour la enième fois, mes longues nuits solitaires.
Avec le temps,le sommeil se perdit et je pris peu à peu l'habitude de vivre mes nuits
comme mes jours. Alors vint à moi, l'habitude que je pris comme une déchéance,
vint à moi dis-je, l'habitude d'aller en boîte.
Alors que je craignais la nuit, je trouvais en ces lieux l'anonymat nécessaire, l'obscurité
fumeuse, le brouillard complaisant, qui me permirent de rencontrer les êtres qui jalonnèrent
ma vie d'étapes importantes.
Dans les premiers temps, et je le fais encore, je me lovais, timide et les genoux serrés, dans
des endroits reculés où je pouvais observer sans que l'on me vit.
J'appris à reconnaître le Don Juan stressé, l'homme d'affaires blasé, je fis la différence entre
l'abandonné et celui qui laissait. Je vis toutes ces femmes qui ne pouvaient cacher leurs yeux
prêts à pleurer et leurs traits fatigués d'avoir tant attendu celui qui ne reviendrait plus.
Sous leurs rires fâchés, j'entendais ma douleur et je compris alors, que nous nous ressemblions.
Avec le temps, j'acceptais de danser et ce fut ce jour-là que je repris le goût de mes plus
grands fous rires. Je répondis à ces messieurs, et très sérieusement, que non bien sûr, je n'habitais
plus chez mes parents. Je marquais l'apparence du plus grand intérêt à leurs refrains faciles sur
le temps qu'il faisait et les femmes infidèles.
Mais pour certains d'entre eux, le dialogue changeait. Alors la réplique venait et mes yeux souriaient.
Je prenais même le temps de m'asseoir auprès d'eux et les autorisais parfois à frôler mon épaule.
Une complicité s'installait et j'écoutais ravie, le récit de voyages et d'expériences sincères.
Le temps ne comptait plus, j'étais devenue autre, et retardais parfois, l'heure de l'au revoir.
C'est dans cette période-là que je me pris à croire que le bonheur existait.